Communiqué de presse - 13 octobre 2016
Ce jeudi 13 octobre, le Sénat a examiné en deuxième lecture la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre en matière de respect des droits humains. S’ils n’ont pas supprimé purement et simplement les trois articles comme ils l’ont fait en première lecture, les sénateurs, opposés au texte, ont voté majoritairement pour des amendements qui le vident totalement de sa substance. Au gouvernement de prendre désormais ses responsabilités pour soutenir et faire adopter rapidement une loi qui doit permettre la protection des droits humains.
Majoritairement opposés au texte, les sénateurs ont décidé de le dénaturer en le transformant en simple recommandation de « reporting » extra-financier, qui consiste, à posteriori, à demander aux entreprises de publier des informations sur l’impact de leurs activités, notamment sur l’environnement. Or le Sénat a du retard en la matière : cette mesure de transparence, poussée par nos organisations il y a dix ans, existe déjà dans la législation française…
En revanche, la proposition de loi initiale contraint les grands groupes présents en France à publier et mettre en œuvre un plan de vigilance, qui permettrait d’identifier en amont, et donc prévenir, des violations des droits fondamentaux et des atteintes à l’environnement pouvant résulter de leurs activités et de celles de leurs filiales et sous-traitants dans le monde entier. Leur responsabilité peut être engagée en cas d’insuffisance du plan et/ou de sa mise en œuvre.
Cible des pressions du secteur privé, cette proposition de loi suit un véritable parcours du combattant depuis près de trois ans. Officiellement soutenue par le gouvernement qui l’a inscrite pour examen au Sénat, elle serait totalement inutile si elle était votée en l’état. Nos organisations appellent désormais le gouvernement à sauvegarder l’esprit qui a présidé à l’élaboration de ce texte.
L’exécutif doit tout mettre en œuvre, comme il en a la prérogative [1], pour que le processus aboutisse, rédaction du décret inclus, avant la fin de l’année 2016. Faute de quoi, les promesses faites en la matière lors de la campagne présidentielle de 2012 resteront lettre morte, alors que cette demande est soutenue par une grande majorité des Français.
Ce texte, s’il contient des lacunes [2], constituerait un premier pas historique vers l’obligation d’une prise en compte des droits humains par les entreprises multinationales et contribuerait à prévenir des drames comme ceux de l’effondrement au Bangladesh de l’immeuble duRana Plaza en 2013, qui a choqué les opinions publiques dans le monde.
La France ne doit plus reculer sur cette question alors que les pays européens avancent, à l’instar de la Suisse [3], comme le montre un nouveau document publié par le Forum citoyen pour la RSE [4].
Notes aux rédactions :
[1] Il revient maintenant au Premier ministre de convoquer une commission mixte paritaire (CMP). Si la CMP n’aboutit pas à un accord, le texte devra, à la demande du gouvernement, retourner à l’Assemblée nationale, puis de nouveau au Sénat. C’est alors de nouveau au gouvernement de demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, sans quoi, la navette parlementaire pourrait continuer indéfiniment. Plus d’information.
[2] Cette proposition de loi ne concerne qu’une centaine de grands groupes, avec un effet d’entraînement limité, et ne comporte aucune disposition forte visant à faciliter l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains et de dommages environnementaux causés par des entreprises.
[3] La coalition suisse « Initiative pour des multinationales responsables » a récolté 145 000 signatures en faveur de l’introduction dans la loi suisse d’un devoir de diligence des entreprises. 120 000 signatures validées ont été déposées le 10 octobre auprès de la Chancellerie fédérale. Les discussions parlementaires devraient commencer bientôt sur le sujet. Plus d’informations.
[4] Le Forum citoyen pour la RSE a réalisé un document présentant les principales initiatives de régulation en Europe sur le devoir de vigilance des entreprises