La France et l’Union Européenne restent spectatrices discrètes d’un processus historique
Paris, Genève, 29 octobre 2021 - Cette semaine s’est tenue à Genève une nouvelle session de négociation afin d’élaborer un traité international contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement. La France et l’Union européenne, qui sont intervenues timidement à quelques reprises, sont restées sur le banc de touche, bien trop frileuses, alors que les négociations s’accélèrent, et qu’un groupe des “Amis de la Présidence” sera constitué dans les prochains jours pour préparer la prochaine session de négociation.
Tout au long de la semaine, les négociations sur le projet de traité des Nations unies relatif aux sociétés transnationales et aux droits humains se sont poursuivies, à un rythme soutenu, les Etats proposant désormais des amendements détaillés, négociés en direct en plénière mot à mot, paragraphe par paragraphe, article par article.
Alors que la négociation rentre donc “dans le dur”, l’Union européenne (UE) a rappelé, dès le lundi matin, qu’elle ne pourrait prendre part officiellement aux négociations. Une précaution, au premier jour de la session, qui n’a fait que réaffirmer l’attentisme coupable et répété de l’UE depuis le début de ce processus. Une directive européenne relative au devoir de vigilance est pourtant à l’étude à Bruxelles, et divers Etats membres ont adopté des législations en la matière, à l’instar de la France, des Pays-Bas, ou de l’Allemagne.
De leur côté, les Etats-Unis, qui participaient pour la première fois en sept ans, ont appelé le premier jour à “faire un pas en arrière” et “considérer des alternatives”. Venant d’un pays connu pour ne pas ratifier des traités majeurs pour la protection des droits humains, cette intervention cache en réalité une volonté de tuer ce processus bien installé. Cette manœuvre a été dénoncée en début de semaine par plus de 50 organisations de la société civile.
C’est avant tout une douzaine d’Etats qui ont animé ces négociations. D’un côté, des Etats hostiles à un traité ambitieux et au droit international des droits humains, tels que le Brésil, la Chine et la Russie, se sont mobilisés tour à tour pour remettre en cause différents droits fondamentaux, notamment en proposant de supprimer des références aux “défenseurs des droits de l’homme”, à la convention 190 de l’OIT concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail, au droit international humanitaire, ou au “droit à un environnement sûr, propre, sain et durable”. Les mêmes États se sont aussi employés à contester des dispositions clés dans chaque article du projet de traité.
Face à cela, la France et l’UE sont intervenues à quelques reprises, afin d’exprimer leur soutien à la protection des droits fondamentaux qui étaient attaqués par ces Etats, mais sans faire de propositions concrètes dans les articles. Mais ce sont avant tout la Palestine, le Panama, l’Afrique du Sud, le Cameroun, le Mexique et la Namibie qui ont fait face aux offensives des Etats hostiles à un tel traité, et que nous tenons à saluer, par leur promotion de dispositions plus précises et ambitieuses.
Dans un tel contexte, la présidence équatorienne du groupe de travail a suggéré de créer un groupe des “Amis de la Présidence”, afin que les négociations progressent plus rapidement dans les prochains mois, et qu’une version plus aboutie puisse être soumise à la négociation lors de la prochaine session, en octobre 2022.
Dans une lettre adressée à la Présidence et aux Etats, les grandes coalitions de la société civile, dont nous sommes membres, ont salué cette initiative et interpellé les Etats sur l’importance de garantir un processus transparent et une participation effective des personnes et communautés affectées, mouvements sociaux, syndicats et associations permettant d’inclure leurs contributions dans les travaux qui s’ouvrent, tout en protégeant le processus de l’influence des lobbies.
Mais surtout, cette proposition souligne l’urgence, pour l’UE et ses États membres, de mettre fin à cette stratégie incompréhensible consistant à légiférer en son sein, tout en jouant la montre dans les enceintes internationales, au lieu d’y voir des processus complémentaires protégeant les droits humains et l’environnement.