Grâce à la mobilisation de syndicats et d’organisations internationales, 1 250 ouvriers du textile thaïlandais ont pu bénéficier de leurs indemnités de licenciement. Ils ont touché l’équivalent de 7,3 millions d’euros, soit 5 800 € par salarié en moyenne, afin de mettre un terme à ce contentieux qui durait depuis quinze mois. Il s’agit du plus gros accord de règlement d’indemnités de licenciement obtenu par des salariés licenciés dans un pays émergent.

En mars 2021, Brilliant Alliance Thaï, une société travaillant en sous-traitance pour des marques occidentales, basée au sud de Bangkok, a déposé son bilan et licencié l’ensemble de son personnel. Mais sans régler les indemnités légales de licenciement. L’usine était spécialisée dans la fabrication de lingerie et travaillait pour des marques connues comme Victoria’s Secret, Torrid et Lane Bryant.

Deux à quatre ans de salaire en indemnités

Cette situation était une conséquence de la pandémie de Covid. Au début de l’épidémie, les ventes de vêtements ont brusquement baissé dans le monde entier, au point que l’usine s’est trouvée en faillite. Depuis, les travailleurs licenciés manifestaient devant le siège du gouvernement à Bangkok.

« Le cas de Brilliant est devenu emblématique car l’usine travaillait pour des marques très connues et que les syndicats locaux ont été particulièrement actifs pour organiser la mobilisation, explique Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Éthique sur l’étiquette. Il devenait difficile pour Victoria’s Secret de fermer les yeux. De ce fait, les ouvriers ont obtenu les indemnités dues, qui représentent deux à quatre ans de salaire, là où d’habitude, les salariés n’obtiennent, au mieux, que l’équivalent de quelques semaines. »

C’est en effet la marque américaine de lingerie qui a accepté de payer. Elle est la seule parmi les nombreux sous-traitants de Brilliant à l’avoir fait. Cette victoire est aussi le résultat des pressions exercées dans le cadre d’une campagne internationale intitulée « Pay Your Workers ».

Le Covid a conduit au licenciement d’au moins 160 000 salariés

Cette campagne a été lancée par le Worker Rights Consortium (WRC) américain et Éthique sur l’étiquette en France. Le but était d’attirer l’attention sur le sort des ouvriers du textile dans les pays émergents qui ont été brusquement mis au chômage au moment de la pandémie.

Un rapport du WRC datant d’avril 2021 détaille la façon dont le Covid a mis à l’arrêt, partout dans le monde, le commerce de vêtements, au point qu’un grand nombre d’usines situées dans des pays émergents ont fait faillite ou bien ont procédé à des licenciements massifs. Le rapport estime qu’au moins 160 000 salariés du secteur textile dans 18 pays en développement se sont retrouvés sans travail en quelques mois.

« Cette réalité, sur le coup, est passée totalement inaperçue. Or dans les pays développés, les grandes marques textiles ont bénéficié d’aides d’État pour passer le cap, relève Nayla Ajaltouni. La campagne visait donc à dire que ces grandes marques ne pouvaient s’exonérer de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs sous-traitants. »

La partie émergée de l’iceberg

Ce discours a fini par être entendu par la marque Victoria’s Secret. Mais selon le directeur du Worker Rights Consortium, Scott Nova, le cas de l’usine Brilliant en Thaïlande n’est que la « partie émergée de l’iceberg ». Le montant des indemnités de licenciement qui n’ont pas été versées, durant la pandémie, à des salariés du textile représente, selon lui, l’équivalent de 460 millions d’euros.

Il insiste sur le fait qu’il s’agit, à chaque fois, d’indemnités légales, mais que les employeurs ont refusé de payer ou ont dit ne pas être en mesure de le faire. Et dans ce cas, il est de la responsabilité des donneurs d’ordre de se substituer aux propriétaires d’usine défaillants, juge le dirigeant du WRC, car les marques ne peuvent pas demander aux sous-traitants d’assumer seuls les aléas économiques du secteur.