L’Australian Strategic Policy Institute, un laboratoire d’idées australien, a publié le 1er mars 2020 un rapport intitulé « Ouïgours à vendre ». Celui-ci dévoile un programme du gouvernement chinois visant à transférer de force des Ouïgours vers des sites de production placés sur l’ensemble du pays, sites travaillant au bénéfice de marques internationales. Nike, Bombardier, Apple, Huawei mais aussi Lacoste s’approvisionneraient ainsi auprès de 27 usines employant de la main-d’œuvre forcée.

Dans ces usines gérées par des sous-traitants des grandes entreprises, 80 000 travailleurs originaires du Xinjang ont été placés dans une situation de travail forcé, d’après l’organisme australien. En effet, ils se retrouvent à la fois isolés de leurs familles, privés de leur liberté de mouvement et soumis à des horaires excessifs. Des cours de mandarin viennent compléter la journée de travail, la rééducation et la correction de « comportements arriérés » prêtés aux Ouïgours par les Chinois étant une partie importante du dispositif. Interdiction, ainsi, de se livrer à une pratique religieuse dans les ateliers ou de posséder un Coran.

Des travailleurs qui « peuvent être livrés en 15 jours »

Les autorités chinoises affichent des préoccupations généreuses, puisque le programme de transfert des travailleurs forcés est mené au nom de « la lutte contre la pauvreté » et de « l’aide au Xinjang ». Les « déplacements » sont encouragés financièrement : là où l’organisateur du transfert d’un travailleur à l’intérieur du Xinjang peut toucher 20 yens, sa récompense bondit à 300 yens lorsque les Ouïgours sont envoyés à l’extérieur de leur région. Une publicité d’une entreprise en charge de la répartition de la force de travail représente des Ouïgours en habits traditionnels et vante leur « capacité à résister aux épreuves » : ils doivent être commandés par « lots de 100 minimum » et peuvent être « livrés en 15 jours ».

Face à ces révélations, les stratégies de communication des entreprises incriminées ont varié. Abercrombie a annoncé rompre ses relations avec les fournisseurs en question, Volkswagen a contesté être approvisionné par ceux-ci. Apple a indiqué ne pas avoir eu connaissance du rapport, tout en se déclarant « engagée à garantir la dignité et le respect tout au long de la chaîne d’approvisionnement ».

L’Institut australien recommande d’exercer une pression sur les firmes afin qu’elles mènent des enquêtes et prennent les mesures requises, en assurant la plus grande transparence sur les conditions de travail. Contestant le rapport, l’Empire du milieu n’a jamais ratifié les conventions internationales d’interdiction du travail forcé de 1930, 1957 et 2014.

Un appel du collectif « De l’éthique sur l’étiquette »

D’après Nayla Ajaltouni, membre du collectif De l’éthique sur l’étiquette, « les grands discours sur la transparence n’ont aucun sens sans des mécanismes juridiques qui rendent les grandes entreprises réellement responsables de leurs chaînes d’approvisionnement ».

Depuis mars 2017, les entreprises françaises de plus de 5 000 salariés sont certes obligées d’élaborer, de publier et de mettre en œuvre des mesures de prévention des atteintes aux droits humains, mais cela semble insuffisant aux yeux des membres du collectif. Ils publieront un communiqué le 4 mars pour appeler à la signature d’un « traité international sur les multinationales et les droits humains », indispensable face à des pratiques mondiales qui n’évoluent pas ou trop peu.